Ce que je retiens après avoir disrupté mon job grâce à l'IA

J'ai disrupté mon job grâce à l'IA - 4/5

· Numérique,intelligence artificielle,entrepreneuriat

Je suis consultante indépendante en stratégie marketing et transformation numérique. L'IA, je connais(sais) à travers différents projets menés pour mes clients. Avec l'arrivée de ChatGPT, pendant 15 jours, j’ai confié toutes mes tâches à différentes IA. J'ai été déstabilisée. j'ai décidé de partager mon expérience et mes réflexions. Qu'est-ce que je retiens de cette expérience? Quelles leçons je tire de la disruption de mon propre job, à l'ère de l'intelligence artificielle?

1.La montée en puissance de l'IA est exponentielle, inéluctable (qu'on le veuille ou pas) et omniprésente à travers des milliers d'applications que nous utilisons tous quotidiennement (de Spotify à Waze en passant par Gmail) mais aussi à travers des milliers de nouvelles applications d'Intelligence Artificielle générative comme ChatGPT, Ada, Hyperwriter, DALL-E, slides.ai, etc. (Voir article 1/5 "Pourquoi j'ai confié mon job à l'IA?")

2. TOUS les métiers seront impactés à court ou moyen terme (5 ans) et 1/4 des métiers actuels vont disparaître. Contrairement aux révolutions industrielles précédentes, ce ne sont plus uniquement les "cols bleus" qui seront impactés mais également les "cols blancs" ou, plus clairement, tous celles et ceux qui utilisent un ordinateur dans le cadre de leur activité professionnelle (en ce compris, certaines startups). (Voir Article 2/5 Comment j'ai disrupté mon job grâce à l'IA? et 3/5 Quel est le futur de mon métier de consultant.e à l'èere de l'IA?)

3. La révolution par l'IA va entraîner des bouleversements majeurs sur le marché du travail, les salaires, les droits sociaux, les recettes fiscales, la démocratie,... pour lesquels nos économies, notre pays et nous, ne sommes pas prêts.

4. Il y a donc urgence à repenser notre système éducatif, fiscal et social (quid du financement du chômage, des pensions et de l'éducation si les salaires et le nombre d'emplois diminuent en Belgique?). Si, selon Schumpeter, la destruction est créatrice, les nouveaux jobs ne s'adresseront pas à ceux qui auront perdu le leur. Peu de gérants de vidéo-clubs sont devenus YouTubers. Va-t-on vers la taxation des ordinateurs et robots et l'introduction du revenu universel?

5. A mon sens, la seule réponse à l'IA est la (forte) montée en compétences de chacun; développer les compétences que l'IA n'a pas (aujourd'hui). C'est pourquoi le présent article aborde le sujet de la montée en compétences face à la montée de l'IA.

Quelles compétences développer à l'ère de l'Intelligence Artificielle?

Dans un contexte où la connaissance, l'intelligence et l'exécution de nombreuses tâches deviennent une "commodité" grâce à l'Intelligence Artificielle, développer de nouvelles compétences (que l'IA n'a pas) devient impératif pour chacun; cela implique de:

  • rester informé.e des derniers outils et tendances dont le rythme d'apparition s'est fortement accéléré. Personnellement, j'utilise Feedly et je "suis" quelques experts renommés dans mon domaine. Je m'informe environ 1heure/jour.
  • encourager l'expression et le développement des compétences humaines comme l'Intelligence Emotionnelle (par opposition à l'Intelligence Artificielle ;-)), la communication, la créativité, la collaboration, etc.
  • acquérir des compétences techniques plus profondes afin de bien utiliser le potentiel de l'IA et des compétences plus avancées en matière d'analyse de données. Aujourd'hui, je teste et j'essaie beaucoup "par moi-même" (une bonne ergonomie ne devrait pas nécessiter de formation ;-)) mais je devrais approfondir mes connaissances via des formations plus pointues pour mieux utiliser les différents outils;
  • et développer la vision stratégique holistique. Je suis des formations (principalement hybrides et à l'étranger, en stratégie et management), (beaucoup) plus que la moyenne nationale (moins de 2 jours/an en Belgique) avec une quinzaine de jours par an, indispensable dans mon métier, jusqu'à présent.

4 axes pour développer ses compétences à l'ère de l'Intelligence Artificielle

La révolution de l'IA est en marche, tout le monde l'a compris, emportant avec elle nos croyances quant à la valeur du savoir et de la connaissance. Alors, comment développer ses compétences, en tant qu'expert.e, consultant.e, entrepreneur.e, salarié.e? Face à l'IA, il convient d'étendre nos champs de compétences et notre manière de penser autour de 4 axes ("Expand your thinking"):

1. Le Digital Leadership 

Ou ce que j'appellerais "Comprendre comment la technologie impacte notre quotidien" et plus particulièrement "Comprendre comment l'Intelligence Artificielle fonctionne". Car "Le véritable problème est que la majorité des dirigeants de PME belges ne comprennent pas les enjeux liés à la technologie. Ce n'est pas un problème d'accès à la technologie, c'est un problème de compréhension du numérique du côté des dirigeants." déclarait Didier Ongena, alors General Manager de Microsoft Belgique, lors du Digital Boostcamp.

Si vous êtes débutant.e, pour développer votre Digital Leadership, commencez par suivre Elements of AI, un cours introductif à l'IA, gratuit, développé par plusieurs universités européennes, disponible en français et pour lequel vous pouvez même obtenir un certificat.

Pour les débutants également mais avec un accent "métier", la AI Business School de Microsoft propose de courts modules d'e-learning gratuits développés avec l'INSEAD dans les domaines de la finance, de la santé, du manufacturing, de l'éducation et du retail (en anglais, sous-titré français). Vous aurez la possibilité de renforcer votre profil Linkedin avec un badge de compétence IA. Attention, ce cours a été développé avant l'apparition de l'IA générative conversationnelle (ChatGPT etc).

2. Les (soft) human skills ou compétences humaines

Les compétences humaines également appelées compétences douces ou savoir-faire sont désormais au centre des processus de recrutement, souvent placées devant les diplômes ou la connaissance. De plus, les compétences humaines sont centrales dans la performance et la confiance au sein d'une organisation, comme le décrit Simon Sinek dans cet extrait vidéo "There is no such things as soft skills".

Développer les compétences humaines est LA parade face à l'IA, je pense. Selon le World Economique Forum "Les Compétences du Futur" sont:

  • La résolution de problèmes complexes
  • l'esprit critique
  • la créativité
  • la gestion d'équipe
  • la collaboration
  • l'intelligence émotionnelle
  • la prise de décision
  • l'empathie
  • la négociation
  • la flexibilité
compétences à développer à l'ère de l'intelligence artificielle

J'ai eu le plaisir de coordonner la naissance de Become Digital qui propose une évaluation en-ligne (gratuite) de vos compétences (humaines) et vous recommande celles à développer, en fonction de votre activité.

3. Le lifelong learning ou la formation permanente 

La formation tout au long de la vie, voire quotidienne devient une évidence car la connaissance devient obsolète à la fin de (quasi) chaque journée. Il appartient au monde politique et aux entreprises de mettre rapidement en place cette culture de la formation continue. La Loi Peeters oblige tous les employeurs (plus de 10 personnes) à organiser 5 jours de formation obligatoire par an et par travailleur... un chiffre malheureusement insuffisant pour rattrapper notre retard en formation continue, par rapport à nos voisins européens, et insuffisant pour "coller" à la réalité d'aujourd'hui. Il est urgent, important, indispensable de tous se mettre dans une situation d'apprentissage permanent (et pour les salariés, de se poser clairement la question:"l'organisation qui m'emploie va-t-elle mettre en place -et financer- les formations nécessaires à mon évolution professionnelle ou choisir de me remplacer par l'IA et/ou un nouveau collaborateur récemment formé?). "Retrain or Replace?".

Si vous désirez vous lancer dans une carrière "IA", je ne peux évidemment pas passer à côté de l'AI School que j'ai eu le plaisir de lancer pour Microsoft, BeCode et Simplon et qui propose une formation gratuite de 7 mois.

4. Le Mindset ou l'attitude

Embrasser le futur et l'inconnu avec ouverture, curiosité et esprit critique sont indispensables dans un monde désormais dopé à l'IA, qu'on le veuille, le sache .. ou pas.

Le test (gratuit) Growth Mindset inspiré du travail et livre de Carol Dweck Ph.D. "Growth Mindset" est une manière éclairante d'évaluer son état d'esprit d'ouverture.

Je reprends ici une citation de Simon Sinek You don't hire for skills, you hire for attitude. You can always teach skills.

L'illustration ci-dessous résume les 4 axes de développement des compétences à l'ère de l'IA: Comprendre l'IA - Développer les compétences humaines - Adopter la formation continue et Adapter son attitude.

domaines à développer à l'ère de l'intelligence artificielle

Le Cabinet McKinsey propose une vue plus détaillée des compétences humaines à développer.

Les compétences pour le futur au travail selon Mc Kinsey

4 voies pour faire évoluer sa carrière face à l'IA

Face à ce constat qui implique de développer (encore) plus de compétences humaines, stratégiques et techniques, tout en restant informé.e des dernières avancées, je vois 4 "évolutions de carrière" possibles (qui s'appliquent d'ailleurs à la majorité des jobs "cols blancs" comme évoqué dans mon post précédent):

1. EXPERT: Développer l'expertise technique:

"Plonger" dans l'IA et développer des connaissances approfondies en IA, en lien avec mon métier pour, par exemple,:

  • Offrir des services de consultance en IA appliquée à la transformation numérique qui permettraient à mes clients de comprendre comment l'IA peut améliorer leurs opérations, développer des produits ou optimiser leurs processus.
  • Proposer des services de marketing basés sur l'IA comme l'optimisation des campagnes publicitaires, l'analyse des données clients et la personnalisation des messages pour améliorer les stratégies marketing de mes clients.
  • Créer des cours en ligne sur l'IA pour les dirigeants, marketeurs,..expliquant comment ils peuvent utiliser l'IA pour automatiser des tâches, améliorer la prise de décision ou développer de nouveaux produits.

2. STRATÈGE: Développer les compétences stratégiques verticales:

Au contraire de l'expertise technique, approfondir les connaissances "métier" dans certains secteurs, industries afin de proposer une "vue d'hélicoptère" mais spécialisée, ce qu'on appelle un "vertical". Par exemple, me spécialiser dans la transformation numérique dans le secteur agro-alimentaire, où je possède déjà une forte expérience, en m'appuyant sur l'IA.

3. MANAGER: Développer les compétences "humaines" et la créativité:

Miser sur l'humain: la créativité, l'empathie, l'intelligence émotionnelle, la communication; ces "soft skills" ou compétences douces, humaines que l'IA ne possède pas et qui seront déterminantes dans la gestion humaine des équipes, dans les relations avec les clients. Plus de technologie, signifie, paradoxalement, plus d'humain aussi.

4. ENTREPRENEUR: Devenir une entrepreneur.e de l'IA

L'IA est un outil qui ouvre de nouveaux horizons pour l'entrepreneuriat. Certaines entreprises et startups seront amenées à revoir leur core business ou leur métier mais, pour d'autres, il y a énormément d'opportunités à saisir.

En tant que consultante indépendante en stratégie marketing et transformation numérique, je pourrais devenir une entrepreneure de l'IA en proposant:

  • Un chatbot ou un assistant virtuel qui fournirait des conseils et des réponses (à ma place ;-)) 24h/24 et 7j/7.. ou un assistant en marketing,..
  • Un outil "infusé à l'IA" de recommandations pour les stratégies marketing et sales, basé sur mon expérience et mes connaissances;
  • Une solution d'automatisation basée sur l'IA aider les marketeers, les entrepreneurs à optimiser leurs processus, à gagner du temps et à réduire les coûts;
  • etc.

Comme démontré plus haut, ces 4 voies impliquement une (forte) montée en compétences.. pour moi, comme pour tout le monde.

évolutions de carrière à l'ère de l'intelligence artificielle

Conclusion: Face à l'IA, miser sur l'humain et la formation

En conclusion, ce que je retiens de mon expérience d'auto-disruption de mon job avec des IA, c'est que la seule parade, à titre individuel, est la montée en compétence de chacun.. et que nous ne sommes pas prêts. Ni au niveau politique ni au niveau économique ou social ni au niveau de la plupart des entreprises ni à titre individuel.

De plus, qui dit "montée en compétences" dit "formation": formation des travailleurs, de la population active, du monde politique (!), des demandeurs d'emploi mais aussi enseignement et éducation. Et là non plus, nous ne sommes pas prêts.

Quelles formations mettre en place et/ou suivre en priorité?

Tant en entreprise que durant les études,

  • le développement des compétences humaines est primordial, comme décrit plus haut;
  • la compréhension des bases de l'IA: une connaissance de base des concepts, des principes et des techniques de l'IA incluant la compréhension des algorithmes d'apprentissage automatique, des réseaux neuronaux, de l'apprentissage supervisé et non supervisé, ainsi que des notions de traitement du langage naturel et de vision par ordinateur;
  • le travail avec de grandes quantités de données : L'IA repose sur des données, il est donc important de comprendre comment collecter, nettoyer, traiter et analyser de grandes quantités de données. La familiarité avec des outils et des techniques tels que le prétraitement des données, l'exploration de données et la visualisation.

Quelles matières enseigner?

Mais alors, à l'ère de l'IA qui a toute la connaissance, l'école a-t-elle encore un sens? Oui, c'est la manière, la forme qui doit changer pour encourager l'ouverture d'esprit et stimuler les compétences humaines mais à bien y regarder, les matières "traditionnelles" restent pertinentes:

  • La communication orale et écrite pour interagir afficacement avec l'IA mais également pour communiquer efficacement les résultats;
  • les maths (hé oui ;-)) constituent le fondement théorique de nombreux concepts clés de l'IA, ils sont nécessaires pour interpréter les résultats produits par les modèles d'IA et évaluer la fiabilité, la précision et les limites des prédictions et des recommandations générées par les systèmes d'IA.
  • la programmation: la connaissance d'au moins un langage de programmation est intéressante, comme Python, couramment utilisé en IA.
  • la philosophie et l'éthique pour réfléchir de manière critique aux implications éthiques, sociales et légales de l'IA. Comprendre les biais dans les données, l'impact sur la vie privée et la responsabilité des décisions prises par des systèmes d'IA est crucial pour une utilisation responsable de la technologie.
  • l'histoire et la géographie, pour développer la pensée globale et l'ouverture à la diversité: dans un environnement mondialisé, comprendre les diversités culturelles, la tolérance et l'appréciation de la diversité permettra de collaborer efficacement avec des personnes de différentes cultures et horizons.
  • A mon sens, les sciences humaines comme la sociologie, la psychologie, les neurosciences demeurent des matières et des connaissances à enseigner et étudier.
  • Quant à l'apprentissage des langues, moi qui ai toujours été une fervente défenderesse du trilinguisme, je m'interroge quant à sa pertinence, à terme. Certaines langues ne vont-elles pas disparaître (moins une langue est répandue, moins elle nourrira l'IA. L'IA traduit tout en temps réel)?

Ce que je retiens de cette expérience qui m'a menée beaucoup plus loin que le "simple" fait de tester des applications d'IA ou de disrupter mon job, c'est qu'il y a beaucoup à faire, beaucoup à apprendre, beaucoup d'opportunités aussi.. et qu'il y a urgence.

Aurélie Couvreur, Strategy Wizard, Digitaly.

 

Merci à mon formidable relecteur qui se reconnaîtra.

 

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